Le 2 décembre dernier, SMS Athlé était représenté, au marathon de Valence, par Erwan Herveic. Il a battu son record personnel en terminant la course en 2h49'07''. L'ambiance, l'organisation, la course, ... Il nous raconte.
Le parcours de Valence est un parcours extrêmement roulant. Il est plat (l'organisation se targue d'avoir le marathon le plus plat d'Europe). Chaque détail est soigné pour optimiser la performance, le nombre et l'angle des virages a même été étudier pour éviter au maximum les relances. Ceci a permis au vainqueur de l'épreuve 2019 de battre le record de la course en un temps stratosphérique de 2h04'31''.
Le départ se fait de la cité des arts et des sciences. L'objectif des organisateurs de traverser les points symboliques de la ville est réussi : le centre moderne, puis le bord de mer, la vieille ville, avant de revenir au point de départ.
Arrivée en avion le vendredi soir. Direction la chambre louée chez un particulier. Modeste, mais très bien placée, puisque je vois la ligne de départ de ma fenêtre.
Samedi matin, retrait des dossards avant l'arrivée de la foule. L'ambiance est bon enfant et l'organisation carrée. Quelques courses pour le repas du soir, le traditionnel footing de 20 min. avec quelques lignes droites dans la coulée verte. Le climat est parfait, un petit 15°, pas de vent, du soleil et toute la ville qui respire marathon. Les groupes de diverses nationalités se croisent avec sourires et complicité. Malgré l'envie de visiter la ville, je résiste pour éviter de piétiner, et réserve la découverte touristique pour l'après-marathon. Juste un petit tour à la "paëlla party" offerte à l'inscription. Nuit évidemment compliquée (encore une séance de fractionné... entre sommeil et agitation)
6h30. Réveil. Petit déjeuner avec un "gâteau sport" qui se digère tout seul, un café et c'est parti. Je sens mon corps plein d'adrénaline. C'est délicieux et c'est aussi ça qu'on est venu chercher. Tout le monde converge, faussement décontracté, vers un même point. Mon dossard orange me garantit une place dans le sas "2h50/3h00". 50 minutes avant avant kle départ, je croise un organisateur qui m'oriente vers mon sas et je passe rassuré sous la porte orange. J'essaye de respecter mon protocole, hydratation, petit échauffement, tenue pour rester au chaud juste avant le départ.
8h20. Départ dans 10 minutes, je me rapproche de la ligne et je suis interpellé par un français à côté de moi (notre nationalité est indiqué sur notre dossard) qui me glisse :
- ça fait plaisir de voir un Français
- Il y en a pas mal, dis-je laconique, car déjà dans ma bulle.
- Oui enfin, je pense qu'il y en a plus sur le marathon, ajoute-t-il.
- ... Quoi, c'est pas le marathon ici ? Hurlè-je.
- Ben non, c'est le 10 km...
Forcément, je pars dans tous les sens, je braille, je trouve un officiel à qui j'explique mon questionnement, il m'oriente vers une autre porte heureusement située non loin de là (les 2 courses partent de deux avenues parallèles et empruntent dès le premier virage des parcours différents). Je pousse, je m'agite, je panique, je regarde ma montre et je rentre enfin dans le bon sas avec soulagement. Il est 8h28, départ dans 2 minutes... Evidemment, dans ma tête, des pensées très contradictoires se bousculent entre l'horrible angoisse de ce qui aurait pu se passer et le soulagement d'être au bon endroit. Je respire amplement pour essayer de retrouver mon sang froid et tente de positiver au maximum : je me raccroche à cet acte manqué freudien, il ne peut plus rien m'arriver maintenant !
Moi qui voulait partir sur l'avant du sas puisque mon objectif était de parcourir la distance en 2h50, soit 4'00 pile poil au km (15 km/h) avec une petite marge pour gérer les ravitaillements et les petits écarts de distance entre la montre et la distance officielle, me voilà refoulé à l'arrière de ce groupe. Mais peu importe, je suis là.
Heureusement, les avenues sont larges, le départ est grandiose et je franchis la ligne en déclenchant mon chrono 40 secondes après le coup de pistolet qui libère les 22 000 partants. Le slalom commence, même si les coureurs qui m'entourent galopent pas mal. 4'10'' pour le premier kilo, soit 10'' de débours. Rien de bien inquiétant.
Les kilomètres suivants, mon rythme se règle et je peux mettre le pilote automatique sur 4'00 au kilo. Essayer de s'enfermer dans sa bulle, tenter de consommer le moins d'énergie possible pour un avancement maximum, telle est l'équation du marathonien. 40'06 au 10e ; 1h20' au 20e. Assez classiquement, le "bip" kilométrique de la montre commence à s'éloigner de la marque au sol.
Régulièrement, un petit contrôle technique est effectué sans s'arrêter, les pieds vont bien,les articulations tiennent, les tendons, légèrement douloureux au cours de la prépa, se sont miraculeusement guéris avec l'euphorie de la compétition. Les muscles couinent un peu , mais rien d'anormal à ce stade.
La densité de coureurs de bon niveau est énorme, et l'Europe entière du marathon alertée par ce parcours particulièrement roulant semble s'être donnée rendez-vous à Valence. Près de 10 % des marathoniens passeront sous les 3h (contre 2,5 % à Paris cette année par exemple). Cette masse de coureurs qui m'entoure est également une aide précieuse pour atteindre l'objectif.
Après quelques essais lors de mes sorties longues, ma stratégie de ravitaillement est simple : 2 gels de 60g embarqués et testés (soit une petite gorgée de 15g tous les 5km) et une petite bouteille d'eau attrapée au vol et vidée à moitié soit environ 200ml (tous ceux qui ont déjà couru un marathon savent la supériorité de la petite bouteille par rapport au gobelet dont le contenu termine en général sur les pompes ou le tee-shirt).
Km 30. 30ème km passé en 2h00'20''. Il est de coutume de dire que le marathon, c'est 30km d'échauffement et 12km de course. Tout commence donc maintenant.
Psychologiques ou réels, je sens quelques tiraillements au niveau des mollets et j'ai l'impression que si je continue à ce rythme exigeant, mes mollets vont cramper. Je choisis donc de ralentir légèrement, juste quelques secondes au km qui soulagent. Le nombre de coureurs partis trop vite et désormais à l'arrêt, marchant ou en plein étirement sur les trottoirs augmente au fil des km et de la température qui monte légèrement. Le public est nombreux et réparti sur la quasi totalité du parcours, mais ce n'est rien par rapport à ce qui nous attend.
Km 35. contrôle technique OK, à peine une dizaine de secondes perdues.
Km 38. Je sens que la situation au niveau des mollets ne se dégrade pas. La foule se fait de plus en plus nombreuse et stimulante. J'ai l'impression qu'il ne peut plus rien m'arriver, j'arrête d'économiser le carburant et je me libère. Pour la première fois, je zappe un ravitaillement. C'est le dernier et j'ai l'impression d'avoir assez de carburant pour finir.
Km 40. J'ai la surprise d'entendre un inattendu "Allez Erwan !" et de reconnaître un membre du club : Emmanuel est là et me booste un peu plus.
La fin de course est un rêve éveillé. On a l'impression d'être dans un col du Tour de France. Les nombreux spectateurs s'écartent sur notre passage pour laisser apparaître la ligne bleue dans un joyeux vacarme. La fatigue n'a plus sa place. Je ne calcule plus et je donne tout ce qui me reste. Après analyse, j'aurais la joie de constater que mes 3 derniers km seront les plus rapides de ma course (avec un improbable 3'30''/km pour finir).
Bouquet final, l'arrivée du marathon est certainement ce qui a fait la réputation de cette course : sur les 400 derniers mètres, un tapis bleu posé sur le bassin de la cité des arts et des sciences offre un sentiment merveilleux et onirique. Si on ajoute à cela la fatigue, la joie et l'émotion, je ne suis pas le seul à lâcher quelques larmes.
Je suis obligé de regarder à plusieurs reprises ma montre pour croire à cet inespéré 2h49'07''.
Les secondes qui suivent sont à savourer et le chemin vers la médaille est volontairement fait au ralenti. À ce niveau de fatigue, nous sommes tous amis et bilingues... Et dans un anglais de marathonien, chacun y va de sa petite anecdote en claudiquant.
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